L’étendue déployée jusqu’au plus loin

Retrouvé ce texte écrit il y a un an. Ne sais plus d’où vient la photo.

L’étendue déployée jusqu’au plus loin. Où qu’on regarde. Et sans jamais finir, ont rapportés de ceux qui sont allés ceux-là moins nombreux qui sont revenus et ont rendu leur parole retenue précieuse dans leurs plis à travers les plaines, à travers les forêts, le long des falaises, dans leur ombre et sur leurs crêtes,par dessus les rivières au fond qui hurlent ou murmurent, à travers les pentes de pierres qui emportent à moitié le corps quand on les traverse, à travers les pluies qui voulaient effacer, à travers le ciel qui aveugle et la terre qui colle aux jambes et les alourdi. Et ça aussi leur parole le dit. Il y a toujours un derrière qui se cache derrière celui que l’œil connaît et un derrière encore derrière celui que l’on découvre. Avec ses dangers et d’où l’on ne revient pas toujours. Inutile de compter ceux-là qui manquent et qu’on remplace par des équilibres de pierres pour ne pas maigrir le groupe : Le vide mange ceux qui sont seuls. Le vide gagne et englouti ceux qui ne veillent pas à rappeler leurs morts. De là-bas, peu sont revenus, chargés de peu de mots, des herbes pareilles, les longues tiges fines à tresser, les buissons aux feuilles dentées et dont les baies acides font renverser le ciel, ceux dont on frotte les plaies, celles qui font des appâts, des pierres dures surtout et le sol terreux et le vertige que ça continue encore : comme une proie qui repousserait toujours la flèche lancée vers elle et qui danse au devant. Alors ça reste chose vague qui ne se laisse pas cerner, fascinante en ce que l’on peut y projeter ce même inconnu que l’on porte en nous et les images aussi qui nous visitent parfois alors qu’on ferme les yeux qu’on suppose venir de ces lointains et de ceux qui n’en sont pas revenus ou du creux qui nous veille par dessus, plein de signes, c’est à dire plein de détail insaisissables comme tendus à nous. Chose désespérante aussi. Ces lointains existent qu’on les nomme ainsi, mais ça n’assèche pas l’envie d’aller voir et toucher ces étendues bleutées et pâles, cette ligne qui nous cerne et dessine avec le ciel. Ça soulagerait la tête de fourrer ça dans le corps plutôt que s’y user les yeux de loin. Quand le regard revient de ces limites, les chemins qu’il emprunte ramènent à nos pieds comme une évidence qu’il faut aller y voir, ils dessinent la voie. Comme un appel qu’on entend avec les yeux. On emporte sa carcasse avec son regard,toute son expérience que l’on a d’ici, les anciens qui nous veillent, et le regard, c’est de ça qu’on n’est pas sûr : l’oiseau porte son regard mieux que nous, ou bien : son œil le porte mieux que nous porte le notre. Est-ce que les anciens nous entendrons pour nous aider dans ces territoires qui vous esseulent ? Est-ce qu’on en rapportera une parole neuve ?

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