2016 – Jeremy Liron, la traversée & le livre l’immeuble le tableau, par Mathieu CHante in au-dedans, mai 2016.
Cela fait déjà de nombreuses années que j’ai découvert le travail de Jérémy Liron, d’abord ses tableaux, puis des notes qu’il prend sous forme de photographie. Plus tard, son talent d’écrivain.
Au moins, l’Internet a cela de bon : il permet d’approcher un peu quelque travail, regard, sensation sur le monde et ses choses.
L’écriture de Jérémy Liron est un spectacle, elle est d’une rare densité, d’une finesse et d’une érudition étonnante. Il parvient en quelques mots à peindre sans pinceaux, sans toile, sans artifice aucun, ces petits morceaux du monde qui s’adressent à lui et auxquels il répond de façon brillante.
Bien sûr on ne peut s’empêcher de penser à Camus ou Beckett – qu’il cite – mais aussi à Wittgenstein ou Jarry. L’inanité des petites et grandes choses qui lui apparaissent sont autant de prétextes à questionner ce qui a lieu, là, hic et nunc, à la fois toutes proches et infiniment lointaines. Les préoccupations qu’il expose sont d’ordre existentiel mais sans fard, sans autre prétention que celle de décrire en partie ce qui découle de ce postulat totalitaire qu’est ce qui se présente à nous : “(…) c’est peut-être ça que je suis, la chose qui divise le monde en deux : d’une part le dehors, d’autre part le dedans.” La notion de mouvement est présente aussi bien dans sa peinture que dans ses écrits.
Il s’astreint à épuiser l’idée d’un univers imposant, lourd et en constante évolution , questionne sans relâche la relation ténue, frêle et fragile qui existe entre ce qui est et ce que l’on ressent. Cette “chose paradoxale comme la possibilité d’un mouvement toujours réactivé, perpétuellement au seuil de lui-même.”
Le monde s’offre au regard de Jérémy Liron, affirme sèchement sa visibilité, le peintre sait qu’en faire : verser au-dedans, avec humilité, sa propre grammaire intime, des lois édictées mais fines qui assoient une certaine idée de la noblesse d’Être.