Dans la complexité du panorama artistique actuel, la peinture, longtemps chargée des controverses des années 1960 et des lourdes légitimations post modernes, semble avoir élargi sa voie et liquidé les jugements auxquels elle avait été soumise. En ne s’assignant plus de limites ni de dogme, la peinture semble aujourd’hui se délester du poids de son antériorité historique, qui du coup ne joue plus pour ou contre son intégration au mouvement ambiant de l’art.
L’acte de peindre aujourd’hui peut être une posture ponctuelle, entre film, photographie et installation. Il peut aussi, comme chez Jérémy Liron représenter le modus operandi unique : peindre, en ne craignant pas d’endosser le côté laborieux du procédé ; peindre un sujet unique, comme pour réaffirmer tranquillement la capacité figurative de la peinture.
C’est dans cet espace structuré par l’histoire mais aussi réouvert et libéré que Jérémy Liron a installé depuis 2004 son protocole de travail : huile sur toiles aux formats carrés toujours identiques, avec un motif d’architecture comme prétexte à la représentation. L’artiste les nomme des landscapes, en anglais, peut-être pour les extraire de la longue lignée du paysage peint ; landscapes n’est pas paysages exactement.
Dans les formes d’art usant d’un procédé, la question de ce que nous regardons s’impose souvent à l’intérieur d’une dialectique : le médium ou le sujet, le tableau ou l’ensemble des tableaux, par exemple.
C’est précisément ce qui apparaît chez Jérémy Liron, dans ce déroulement de vues d’immeubles plus ou moins proches de nous. Le médium est rendu visible par la qualité variée des gestes, la manière de poser la couleur, de la laisser couler, de recouvrir une surface colorée, de laisser par endroits la toile nue.
La nature des «objets peints» est égalisée par une certaine unité de traitement. On ne différencie pas le lissé d’un mur du froufroutant d’un feuillage. Détachée d’une contrainte mimétique, la peinture n’est plus que sa propre existence, un univers de masses colorées qui intègre dans sa communauté les arbres, les murs, le ciel et la pelouse.
Le sujet, alors, devrait être entêtant en deuxième regard, obsédant pour l’esprit. Mais dans les landscapes, c’est l’existence du sujet spectateur qui émerge immédiatement après ; ces vues péri-urbaines sollicitent une mémoire collective diffuse et ramifiée : celle, cultivée, des tableaux d’histoire de l’art rencontrés au fil d’une vie ; celle, sensorielle, des peintures abstraites et de leurs qualités sensibles ; celle, fugitive, des traversées de paysages par le regard, où dans de pesantes torpeurs provinciales, ont émergé de possibles fictions. Celle, réaliste, du système architectural, du décorum volontariste, de la géométrie taiseuse, de la date probable du bâtiment.
Malgré le tropisme de cette peinture vers le stéréotype, sa puissance dramatique demeure, amplifiée par une hyper-attention au cadrage et à l’éclairage : vus de très loin, masqués par la végétation, ou posés géométriquement dans une composition de tableau de la Renaissance, rongés par une couleur grisonnante, ou surexposés dans une lumière crue, ils dégagent à chaque fois une mystique du lieu.
Ce versant fictionnel et presque littéraire qui est perceptible dans les landscapes est confirmé dans la sculpture l’invention de Morel .
Jérémy Liron franchit un tabou : mettre en visibilité un lieu éminemment mental, le château autour duquel erre le héros de Bioy Casares avant de décider s’il choisit l’illusion plutôt que la réalité. Le choix du matériau le plus achrome qui soit, le plâtre, préserve les qualités immatérielles du château : le plâtre mémorise chaque pression, chaque trace, pour les restituer en version achrome, atonale, fantomatique. Jérémy Liron en fait un espace visible de l’extérieur comme les immeubles de ses peintures, mais lui laisse un pied dans un autre royaume. Locus Solus.
L’acte de peindre aujourd’hui peut être une posture ponctuelle, entre film, photographie et installation. Il peut aussi, comme chez Jérémy Liron représenter le modus operandi unique : peindre, en ne craignant pas d’endosser le côté laborieux du procédé ; peindre un sujet unique, comme pour réaffirmer tranquillement la capacité figurative de la peinture.
C’est dans cet espace structuré par l’histoire mais aussi réouvert et libéré que Jérémy Liron a installé depuis 2004 son protocole de travail : huile sur toiles aux formats carrés toujours identiques, avec un motif d’architecture comme prétexte à la représentation. L’artiste les nomme des landscapes, en anglais, peut-être pour les extraire de la longue lignée du paysage peint ; landscapes n’est pas paysages exactement.
Dans les formes d’art usant d’un procédé, la question de ce que nous regardons s’impose souvent à l’intérieur d’une dialectique : le médium ou le sujet, le tableau ou l’ensemble des tableaux, par exemple.
C’est précisément ce qui apparaît chez Jérémy Liron, dans ce déroulement de vues d’immeubles plus ou moins proches de nous. Le médium est rendu visible par la qualité variée des gestes, la manière de poser la couleur, de la laisser couler, de recouvrir une surface colorée, de laisser par endroits la toile nue.
La nature des «objets peints» est égalisée par une certaine unité de traitement. On ne différencie pas le lissé d’un mur du froufroutant d’un feuillage. Détachée d’une contrainte mimétique, la peinture n’est plus que sa propre existence, un univers de masses colorées qui intègre dans sa communauté les arbres, les murs, le ciel et la pelouse.
Le sujet, alors, devrait être entêtant en deuxième regard, obsédant pour l’esprit. Mais dans les landscapes, c’est l’existence du sujet spectateur qui émerge immédiatement après ; ces vues péri-urbaines sollicitent une mémoire collective diffuse et ramifiée : celle, cultivée, des tableaux d’histoire de l’art rencontrés au fil d’une vie ; celle, sensorielle, des peintures abstraites et de leurs qualités sensibles ; celle, fugitive, des traversées de paysages par le regard, où dans de pesantes torpeurs provinciales, ont émergé de possibles fictions. Celle, réaliste, du système architectural, du décorum volontariste, de la géométrie taiseuse, de la date probable du bâtiment.
Malgré le tropisme de cette peinture vers le stéréotype, sa puissance dramatique demeure, amplifiée par une hyper-attention au cadrage et à l’éclairage : vus de très loin, masqués par la végétation, ou posés géométriquement dans une composition de tableau de la Renaissance, rongés par une couleur grisonnante, ou surexposés dans une lumière crue, ils dégagent à chaque fois une mystique du lieu.
Ce versant fictionnel et presque littéraire qui est perceptible dans les landscapes est confirmé dans la sculpture l’invention de Morel .
Jérémy Liron franchit un tabou : mettre en visibilité un lieu éminemment mental, le château autour duquel erre le héros de Bioy Casares avant de décider s’il choisit l’illusion plutôt que la réalité. Le choix du matériau le plus achrome qui soit, le plâtre, préserve les qualités immatérielles du château : le plâtre mémorise chaque pression, chaque trace, pour les restituer en version achrome, atonale, fantomatique. Jérémy Liron en fait un espace visible de l’extérieur comme les immeubles de ses peintures, mais lui laisse un pied dans un autre royaume. Locus Solus.
Françoise Lonardoni, commissaire de l’exposition.