Le paysage revisité par quatre artistes contemporains par Jean-Emmanuel Denave in Le petit bulletin février 2025.

Genre atemporel, le paysage est revisité à la galerie Ceysson & Bénétière par quatre artistes contemporains, avec une présence forte des œuvres du peintre Jérémy Liron.
Ce sont des paysages et ce ne sont pas des paysages… Rassemblées à la galerie Ceysson & Bénétière par la commissaire Anne Favier, « les œuvres de Pierre Buraglio, Claire Chesnier, Jérémy Liron et Tania Mouraud, mises en regard dans cette exposition, réinvestissent les lieux communs du paysage, en redéfinissent les points de vue et en dévoilent les hors champ. »
La fenêtre ouverte sur la nature (la « veduta »), chère à la peinture classique de paysage, est ici rouverte autrement, ou bien fermée, dédoublée en polyptyques ou chamboulée en tous sens, jusqu’à parfois sortir carrément de ses gonds comme dans certaines œuvres de Pierre Buraglio qui utilise et expose des fragments de fenêtre réelle, voire une portière de deux chevaux à la vitre repeinte ! À partir d’objets de récupération, lui qu’on surnomme « le peintre sans pinceau », Buraglio joue de la suggestion paysagère, confronte la matérialité pauvre et concrète de ses surfaces à la composition picturale en perspective. Surfaces matérielles et profondeurs imaginées, non sans humour, échangent leurs dimensions et se frottent les unes aux autres.
Inquiéter le paysage
Les œuvres de Buraglio avec leur « profondeur plate », dialoguent particulièrement bien avec les grandes toiles verticales de Jérémy Liron. Tout porte à croire dans un premier temps que ces paysages maritimes, périurbains ou forestiers, sont on ne peut plus classiques. En réalité, à partir de photographies prises lors de déambulations, l’artiste, dans son atelier, recompose complètement les éléments enregistrés dans la réalité et réagence les motifs de manière subjective. « En Occident, dit Jérémy Liron, le paysage est une vue, un fragment prélevé à l’étendue, et le paysage que je travaille participe de cette définition. J’aime aussi l’inquiéter avec une approche plus orientale, une mise en rapport d’éléments qui parle de peinture. En fait, le sujet principal de mon travail, c’est le regard. » L’artiste présente notamment de forts beaux paysages méditerranéens, jouant avec les bleus du ciel, de la mer, des rideaux, des murs, ainsi qu’avec l’entrecroisement franc et massif des verticales et des horizontales. Tel un Matisse qu’on pourrait qualifier ici de dur et de rigoureux !
On pourra aussi voir dans l’exposition quelques photographies de Tania Mouraud où l’on devine un paysage strié et gondolé se reflétant sur le plastique brillant qui enveloppe des bottes de paille. On observe encore deux très belles et très grandes œuvres de Claire Chesnier, deux paysages quasi abstraits faits d’encres sur papier, composés de nappes et de halos de couleurs atmosphériques qui évoquent ciels, horizons et sols, en une sorte de relecture du travail de Mark Rothko.