2015 – Eloge du retrait : Jeremy Liron par Dominique Sampiero, par Jean-Paul Gavard-Perret.in Salon littéraire
Le poète Dominique Sampiero plus qu’un autre à mis en évidence la descente au tombeau que propose l’œuvre de Jeremy Liron : « Je suis entré puis sorti de moi comme d’un tombeau. Mais ce n’est pas moi, c’est la toile que je regarde. La toile est entrée puis sortie de moi. Je suis en deux. Dans la toile. Et ici dans mon corps. Je suis dans le corps, dans le corps de la toile et dans le tombeau. Dans le tombeau de la toile et dans l’idée du tombeau. Là où l’on dépose un corps qui doit disparaître, se dissoudre ». Liron en effet crée des éléments architecturaux qui font irruption dans des paysages. Il peint aussi des villas rectilignes, anguleuses qui peuvent être vues comme des tombeaux. Pour l’artiste il s’agit cependant de vitaliser le désir, le rêve. Mais à la matière d’une mythologie – d’où sans doute l’effet de nostalgie. Chaque image du présent glisse vers le passé. Mais l’inverse est vrai aussi. D’où l’effet que rappelle Sampiero : « Fondre vers cette petite éternité de l’absence. Dans un creux, une faille, une blessure qui, lorsqu’on y colle un œil, débouche sur un ciel infini, blanc ou bleu. Je dis ciel par principe pour mettre un mot que tout le monde puisse comprendre. J’aurais pu écrire « vaste » ou « sans contour ». Bref avec Liron le paysage change. Mais en restant le même. Envahi par l’enfance. Envahi par l’en-face. Quelle matière pour que le paysage change sinon à travers la vitre ? Celle-ci rappelle le néant, incite à le reconnaître puisqu’il la hante. C’est dessus que le regard mélancolique se fixe. Il ne le soupçonne pas tant il est pris dans l’apparente solidité du décor. Mais il y a soudain une épreuve des confins de l’être. Le là-bas l’emporte sur l’ici. Pour un temps. En étendant sur lui son voile de néant. Voile impalpable, translucide sur les choses laissées à elles-mêmes mais dérobées aussi à elles dans le même temps. La vue s’égare. Et demeure en suspens.