2011 – Jérémy Liron, peintre en bâtiments…, par Jacques Desage Philippe Piguetin Miroir de l’art.
Jérémy Liron choisi de se confronter au paysage urbain mais il ne le fait pas à la façon de ces artistes dont l’unique préoccupation est de donner à voir une énième vue de New York, de Paris ou de Tokyo, de ces artistes qui privilégient avant tout l’identification d’un lieu, la vérité documentaire. Sa peinture recherche plutôt la vérité esthétique et s’affranchi d’une quelconque volonté de représentation fidèle ou identifiable. Ici, les immeubles et dépendances retranscrivent du réel une atmosphère sereine, exempte de la brutalité traditionnelle inhérente habituellement à ce genre d’images. Il n’y a nulle présence humaine qui vienne polluer, en quelque sorte, la représentation qui demeure éminemment plastique. Ainsi que l’indique Gilles Altieri « la peinture de Liron n’est pas déshumanisée et ne provoque pas chez le spectateur un sentiment de vide, de tristesse ou de mélancolie ni même d’inquiétude sourde comme c’est le cas pour Luc Tuymans ; elle procure simplement le plaisir produit par le jeu de la géométrie et la maîtrise de la matière, c’est-à-dire par ses qualités propres ». Deux plans la plus part du temps se superposent sur la toile. Au premier plan un jeu de couleurs enchevêtrées, aux frontières de l’abstraction qui découpe au second plan un immeuble aux lignes souples, de quelques étages, un immeuble qui fait référence à autre chose qu’à une interrogation métaphysique sur la pertinence de l’architecture des bâtiments modernes. Il y a dans ces figures émergeantes, ces verticalités turgescentes, comme la recherche d’une présence. Est-ce le temps, comme instance d’apparition, et de perte, tel que le suggère Pierre Wat ? Lequel ajoute avec justesse : C’est parce que Liron peint non ses souvenirs mais la mémoire, notre mémoire, qui est hantée par l’oubli, que son œuvre suscite chez qui se risque à en être le regardeur un désir presque douloureux de se trouver un abri. Parce que, comme il l’avoue si bien, ses souvenirs ont la justesse des images inventées, et que, ainsi créées, elles sont faites de la même matière que notre sentiment commun de perte… La réalité est que cette peinture incite le spectateur à considérer le monde comme un fait plastique avant tout, l’immeuble un peu comme une nature morte, et ainsi à se pénétrer d’une vérité picturale très simple : tout sujet a sa chance si l’artiste est capable de la lui donner, comme c’est le cas ici.